Lorsque le soleil a sombré dans sa tombe derrière les collines, nuit après nuit, un cri d'horreur sauvage s'éveille et s'échappe des mains avides du vent de la jungle vers le monastère.
Sans baisser la voix, sans l'élever, sans même prendre un nouveau souffle, il hurle, il crie à travers la jungle.
« Il s'agit du masque de Madhu, le Démon, l'ancien, ancien, masque colossal, gravé dans la pierre, à demi englouti par les marécages, le masque de Madhu, Le Fou, d'un blanc scintillant, contemplant avec des yeux vides hors des étangs, hors des étangs solitaires, gargouillants, pourrissants, toujours murmurant », commentent entre eux les moines.
À la pestilence et la peste il commande - Madhu, Le Démon - Madhu, Le Fou!
Et remplis de peur le Maharajah et sa maisonnée fuirent vers le Nord.
« Lorsque les Swamiji viendront, les saints pèlerins, pour la fête de Bala Gopala et passeront au monastère durant leur voyage, nous devons leur demander ce qui fait hurler nuit après nuit le masque de pierre là dans la jungle », déclarèrent les ermites.
Et à la veille de Bala Gopala, les Swamiji parurent le long de la route scintillante, silencieux, leur tête penchée, leurs yeux fixant le sol, vêtus de lugubres robes noires de moines... comme des cadavres ambulants.
Quatre hommes qui avaient renoncé au monde...
Quatre hommes au-dessus de la vertu et du vice...
Quatre hommes libérés de tous les entraves...
Le Swami Vivekananda de Trevandrum.
Le Swami Saradananda de Shambalva.
Le Swami Abhedananda de Maiavatiti.
Et un quatrième, un vieil, vieil homme de la caste des Brahmanes, dont plus personne ne connaissait le nom.
Et ils pénétrèrent au monastère dans un état d'esprit contrôlé.
Mais comme le jour s'en allait, les vents commencèrent à souffler, et ils transportèrent le hurlement de la figure de pierre des marécages de la jungle vers le monastère... tel un présage de mort.
Et à l'heure de la veille de nuit les ermites, d'un pas mesuré, s'assemblèrent lentement autour du vénérable Brahmane - dont plus personne ne connaissait le nom, et qui était si vieux que Vishnu lui-même avait oublié le siècle de sa naissance - marchèrent trois fois autour de lui de la gauche vers la droite et lui demandèrent : « Quelle est cette chose, ô Vénérable, qui pousse Madhu, Le Démon, à envoyer ce hurlement déchirant à travers la nuit, ce cri qui ne s'élève jamais, qui ne cesse jamais, sauvage et essoufflé? »
Et le vieux Brahmane parla : « Il ne s'agit point, ô ermites, Madhu, dont le visage est sculpté dans le roc, qui hurle dans la nuit - comment, ermites, cela pourrait-il être Madhu? Et ce cri plaintif ne cesse point durant le jour - comment, ermites, ce cri pourrait être réduit au silence durant le jour? Lorsque tombe la nuit, le vent s'éveille dans les marécages et souffle à travers la nature vers le cloître et transporte le cri à vos oreilles. Mais le cri résonne du crépuscule à l'aube, de l'aube au crépuscule - sans jamais s'arrêter - et il provient des lèvres d'un pécheur repentant qui manque de vraie connaissance. C'est lui, ermites, qui hurle à travers la nuit. »
Ainsi s'exprima le vénérable.
Et les moines prièrent et attendirent une année entière jusqu'à ce que la fête de Gala Gopala vienne de nouveau; et de nouveau, d'un pas mesuré, ils marchèrent autour du Vénérable, trois fois de la gauche vers la droite, et le supplièrent de partir et d'aller calmer ce pénitent qui criait encore et qui criait à travers la jungle.
Et en silence, le vieux, vieux Brahmane se leva et se fraya un chemin à travers les eaux solitaires, gargouillantes, pourrissantes, toujours murmurantes. »
* * *
Loin à travers les fourrés scintille le blanc masque de Madhu - à demi immergé dans l'étang - contemplant les cieux avec des yeux vides.
Hors des eaux inquiétantes s'élèvent, telle une vapeur frémissante, les effluves marécageuses et se condensent en des gouttelettes scintillantes sur la figure de pierre. Des orbites blanches et vides, elles s'écoulent et s'écoulent et découpent de profonds sillons à travers la figure délicatement ciselée, changeant douloureusement ses traits à travers les millénaires.
Ainsi pleure Madhu, Le Démon - ainsi pleure Madhu, Le Fou.
Et la jungle luit, et la froide sueur de la mort se tient sur son front.
* * *
Et comme le vieux Brahmane s'approchait d'un espace ouvert dans les fourrés, il contempla un pécheur pénitent qui s'y trouvait, hurlant, hurlant d'une horrible souffrance - ne s'arrêtant jamais, ne reprenant jamais son souffle, n'abaissant jamais sa voix.
Nu et maigre il était. Sa colonne vertébrale ressemblait à une tresse, ses cuisses à des bâtons desséchés, ses yeux creux et noirs à des baies séchées. Son bras droit était étiré, et dans sa main, il serrait fortement une lourde balle de fer recouverte de longues pointes effilées. Et plus il contractait ses doigts, plus profondément les pointes s'enfonçaient dans sa chair.
Pendant sept jours et sept nuits, le vieux Brahmane se tint là, perdu dans ses pensées, et comme le pénitent ne cessa pas de crier, même pour une fraction de seconde, il marcha autour de lui trois fois de la gauche vers la droite et parla : « Qu'est-ce qui vous pousse, ô homme pénitent, à faire un tel tintamarre? »
Hurlant, le pénitent tourna ses yeux vers la balle de fer qu'il tenait et la serra dans son poing.
Et le vieux Brahmane dont plus personne ne connaissant le nom fut saisi de stupeur. Et son esprit plongea dans l'abysse des causes et des effets, et il compara les choses à venir avec les choses passées. Et il pensa sans cesse aux mots et à la signification des enseignements des Vedas, mais il ne trouva point ce qu'il cherchait. Plus profondément, plus profondément encore, il se plongea dans une méditation, et il sembla que son cœur s'était arrêté, que l'inspiration et l'expiration de son souffle l'avait quitté à jamais.
L'herbe des marécages vira au brun et se flétrit. L'automne s'installa et fit disparaître les fleurs. Et toujours le vieux Brahmane demeurait là, plongé dans sa méditation.
La salamandre millénaire rampa hors du marécage et chuchota à son épouse - et aussi à son ami, le perce-oreille : « Oh, je le connais bien, vieux, vieux est-il, le vénérable Swami, et sa sagesse est infinie. Dans les entrailles de la terre, j'ai vu son certificat de naissance : il est l'incroyable et honorable Brahmane retraité Tsakamuntibudibaba de la Caroline du Nord. »
Et, ayant chuchoté ces mots à son épouse - et aussi à son ami le perce-oreille - la salamandre millénaire les dévora tous deux.
Lorsque parut l'hiver, le vieux, vieux Brahmane s'éveilla et, se tournant vers le pénitent, il parla : « Débarrassez-vous de cette balle, Monsieur, laissez-la simplement tomber! »
Et le pénitent ouvrit sa main; la balle de fer roula au sol et - immédiatement après - il se sentit mieux.
« Jipiii...! » cria-t-il, et, sautant comme une chèvre de montagne, il s'en alla à toute vitesse.
English original: La Sagesse du Brahmane (The Brahmin's Wisdom)