La douceur du dernier anéantissement!
O! l'hydromel des morts nous boirons lentement,
Comme des énivrés qui buvotent leurs vins!
Profond comme l'arnbîme, et plus inépuisable,
Il nous accordera la paix incomparable,
Le sommeil, qui renferme un univers sans fins,
Et qui fait les bonheurs des anges moins divins.
Mais il n'aura jamais de memorables rêves
Pour offrir à nos nuits leurs sataniques dons—
Pour restaurer dans notre oubli les trahisons
Et les travaux du temps: un grand trêve sans trêves
Il sera dans la guerre immortelle des dieux
Aux fourmis en la terre, aux aigles dans les cieux.
Bientôt nous le boirons, d'étain, d'or ou de verre,
Bientôt nous trouverons pour lit et pour suaire
Son Léthé qui s'écoule à travers l'infini:
Avec les vieux soleils, nous dormirons la nuit.
Bientôt, comme une mer aux plus enormes ondes,
Sa nuit avalera les astres et les mondes,
Et bientôt ce sera du sommeil suffisant
Pour Jésus et Satan, énivrés du Néant.