Rappelelez-vous l'étang dont l'eau nous attirait
Dans des hereux matins,
Voyez-vous noire étang, ceint des buissons alpins,
Où des mignonnes fleurs la blancheur se mirait
Au vert fond assombri par l'ombre des sapins.
C'était un lieu de fée, une scène enchantée
Par quelque charme antique:
L'on aurait y cru voir sortir du bois féerique,
Du fôret des romans, une reine montée
Sur sa cavale pâle au harnais mirifique.
Les hauts rochers au loin, les hauts arbres prochains,
Le silence des eaux
Et le silence noir pesant sur les rameaux,
Tous semblaient apportés des espaces lointains
Qu'endormait un sort blanc aux temps des fabiaux.
O! dans quelle chronique, O! dans quelle légende
Derobée cet age,
Était ce lieu depeint? . . . Fleurs du petit rivage,
Qui fleurissaient au bord des eaux de l'ancien monde,
Pourquoi done venez-vous dans ce nouveau parage?
Nous y traînaient, dans nos âmes le sentiment
D'autres temps, d'autres lieux:
Le charme était si fort et si Prestigieux,
Que nul roi des follets, venant fantasquement,
N'eut étonné nos coeurs avec sont cor mielleux.
—Et toi, dont loeil aimé doublait ce paysage,
De quelle dame altière
As-tu porté un peu la pâleur légendaire?
Et moi, de quel trouvère errant au vieux bocage,
Ai-je connu l'amour, les chants, et la chimère?
Printed from: eldritchdark.com/writings/poetry/291
Printed on: December 22, 2024